Une
militante et une actrice de l’intégration scolaire
Arlette
FAVÉ est née en Algérie le 5 août 1943. Elle prend son premier poste
d’institutrice à l’école de filles de MOUZAÏAVILLE en 1962, dont
elle devient directrice en 1967. Elle poursuit sa carrière en France à
partir de 1971, en entrant dans l’enseignement spécialisé : « J'avais
lu un appel d'offre dans "Le
Monde" pour un travail avec des adolescents sur le versant de la délinquance.
Je suis allée voir Monsieur NOUAILLE
et j'ai démarré comme ça. Il a essayé de m'en
dissuader quand il m'a vue petite, maigre... J'ai démarré comme ça ! »(2)
Arlette
FAVÉ travaille de 1971 à 1973 dans le centre expérimental de BOIS –
MAISON à VAUHALLAN pour adolescents délinquants. « Au
bout de deux ans, je suis allée faire mon stage d'Institutrice Spécialisée,
option RPP (3)
à Versailles. »
(2). . Elle
travaille ensuite de 1974 à 1979 : « comme
rééducatrice, rattachée au CMPP de la Maison d'Enfants de Verrières-le-Buisson.
De là, je suis partie en stage de Directeur d’Établissement Spécialisé
à SURESNES »(2)
en 1979 – 1980. « En sortant de
cette formation, j'ai pris la direction pédagogique de l'école rattachée
à l'Hôpital Psychiatrique de PERRAY - VAUCLUSE à SAINTE GENEVIEVE DES
BOIS. »(2)
de 1980 à 1985.
En
1985, Arlette FAVÉ
souhaite faire évoluer sa pratique professionnelle : elle prend un
poste de conseillère pédagogique dans l'AIS
« à la demande de Madame PERONNET
qui est venue me trouver et me proposer un poste. J'ai accepté ! » »2.
Elle obtient le CAFIMF en 1986, donne des cours dans
les IUFM AIS de Versailles et d’Auteuil à partir de 1994. Parallèlement,
elle mène « un travail
important depuis 1983, dans le domaine de l'autisme et avec les
associations de parents, au sein de l'Education Nationale »2 :
elle participe à la création, suit et coordonne le travail mené dans
les deux classes intégrées pour les enfants atteints d’autisme.
En
1994 – 1995, elle participe à l’ouverture du SESSAD des Ulis :
« sur le poste d'enseignant spécialisé
du SESSAD, rattaché à l’IME de MASSY »2.
Décorée
des Palmes Académiques en 1989, elle est promue au grade de Chevalier en
1999. Elle poursuit sa tâche de conseillère pédagogique jusqu’à son
décès, le 8 janvier 2000.
Premier
inspecteur de l’enseignement spécialisé de l’Essonne, de 1964 à
1982
Interview
du 2 novembre 1994
3) Rééducatrice en Psycho - Pédagogie
4) AIS : Adaptation et Intégration Scolaire
5) Inspectrice AIS en Essonne de 1984 à 1993
6) CAFIMF : Certificat d’Aptitude aux Fonctions d’Instituteur
Maître Formateur
Arlette
FAVÉ dans les mots des autres…
« Penser
à Arlette, parler d’Arlette, c’est pour beaucoup d’entre nous
rouvrir la boîte à souvenirs dans ce qu’elle contient de plus beau et
de plus humain. C’est aussi puiser dans cette mémoire une forte volonté,
qui était la sienne afin de continuer l’œuvre qu’elle a commencée. »
Michel
SUAREZ,
directeur d’établissement spécialisé
Une
dimension pragmatique… Loin de tout dogmatisme... Dans le respect des idées
de l’autre…
« Souriante
et toujours disponible, les bras chargés de dossiers, c’est l’image
que nous gardons d’Arlette FAVÉ. Convaincue du bien fondé de la
scolarisation des enfants autistiques et de leur intégration dans les
milieux scolaires ordinaires, elle appuya la création des classes de
BURES sur Yvette puis de MASSY et de PALAISEAU. En bonne « psychologue »,
elle assura la médiation dans les pourparlers entre les familles et les
services de l’éducation spécialisée. Elle nous a quittés trop vite
et nous ne l’avons sans doute pas suffisamment remerciée pour sa présence
auprès des parents et pour l’aide apportée à nos enfants. »
Marie-Pierre
MÉEUS
et Michelle DIEL, parents
« Arlette
FAVE – DUMAS, guidée par son profond et immuable respect de
l’individu, a depuis toujours eu le souci de restituer à l’autre sa
juste place. En 1985, elle impulsait le premier des projets d’intégration
d’enfants présentant des troubles autistiques dans l’Essonne. De
cette époque, je garde l’image d’une silhouette douce dégageant une
sérénité et une assurance tranquille, des yeux rieurs, un regard
attentif, de petites mains fines prolongeant élégamment un discours posé,
marqué de silences dans lequel on devinait sa réflexion. Son
accompagnement était généreux, adapté et sans faille. Il y a 13 ans déjà,
elle évoquait la nécessité d’un SESSAD. Arlette FAVE - DUMAS, si
souvent discrète et d’une exceptionnelle clairvoyance, a devancé
textes et structures. Son action a profondément marqué l’évolution de
l’intégration dans notre département. »
Edwige
NEPLAZ - MICHEL,
enseignante spécialisée de la classe intégrée d’adolescents autistes
(septembre 1989 à juin 1993).
« Première
professionnelle à répondre à l’appel des parents d’enfants
autistes, elle fut à l’origine de la création des premières classes
intégrées des Hauts-de-Seine. Nous lui devons la victoire d’avoir su
et pu alphabétiser des enfants que l’on pensait hors culture. Elle sera
partie trop tôt… avant de voir ces enfants devenus des adultes vivre
non exclus. Sa mémoire perdure pour nous tous dans leur regard retrouvé. »
Catherine
MILCENT,
psychiatre d’enfants et d’adolescents
Professionnalisme,
disponibilité, qualités humaines, sens
aigu de l’écoute.
« Arlette
FAVÉ a apporté à l’intégration scolaire et à la prise en charge des
enfants handicapés autistes quelque chose d’exceptionnel. Patiemment,
avec conviction, avec douceur aussi, elle a su faire reconnaître puis
accepter à l’école le droit à la différence. Arlette FAVÉ savait
prendre sur son temps et sa vie personnelle pour participer au quotidien
des enseignants et des adultes engagés dans les projets. Elle a beaucoup
donné. »
Marie-Ange
PÉRONNET,
inspectrice de l’Éducation
Nationale
Une
personnalité rayonnante et libre.
« Trempées
par la lumière éclaboussante de sa pensée, forgées par le souffle brûlant
du doute et de la recherche délivrés, fixées par l’azur de sa
bouillonnante liberté, telles auront été ces années partagées avec
Arlette FAVÉ au Centre Hospitalier Spécialisé. Dans le dérisoire bâtiment
pré - fabriqué de cette école exaltée, nous nous sommes accompagnés
pour tenter de lire notre désert ; puis, enfouis sous le sable de
nos vies, nous avons trouvé le livre ouvert. Son départ de cette humanité
n’en a pas achevé la lecture… »
Gilles
MOIRE,
instituteur spécialisé CHS Perray – Vaucluse 1983 - 1987
« Vive
et gaie, elle était colorée, chaleureuse, pétillante et généreuse.
Jamais chiche de son temps, de ses idées, elle allait vers les autres
sans embarras et donnait à chacun le sentiment d'être important. Elle
nous touchait par son rire et par sa capacité à créer un véritable
espace humain et tendre dans lequel nous nous sentions bien. Elle savait
nous faire penser et nous permettait de nous ouvrir à un monde lumineux
et fécond où le désespoir et la colère reculaient et laissaient place
à l'action et à la réflexion. Je l'ai peu connue mais je ne l'oublierai
jamais. »
Maryse
VAILLANT,
psychologue clinicienne et écrivain
Dans
les mots d’Arlette FAVÉ…
« Aurions-nous
parfois, d’après nos idéologies, nos formations (ou déformations) des
regards réducteurs sur ces enfants ? Regards tellement réducteurs
que nous ne rêvons plus pour eux et que du même coup, peut-être les empêchons-nous
de vivre… S’ils ne vivent pas dans le regard, dans la tête des
autres, s’ils n’existent pas, si nous n’avons pas foi en eux…
alors effectivement que peuvent-ils faire ? Comment peuvent-ils
grandir, évoluer et trouver une place dans ce monde ?... »
« Pour
moi, l'intégration scolaire, c'est aussi une espèce de « militantisme ».
C'est faire comprendre que l’enfant hospitalisé peut, quelles que
soient ses difficultés, sa pathologie ou sa maladie, bénéficier de l'école. »
« Dans
la vie, il nous faut souvent croire et oser l’impossible pour que
parfois l’impossible d’hier devienne le possible de demain. Face à
l’autisme, il n’y a pas de solutions, de réponse unique. Chaque
solution, chaque réponse doit servir de réflexion et de base à une
nouvelle solution, une nouvelle réponse, une autre innovation avec comme
seule préoccupation un plus grand mieux être personnel, un plus grand
mieux être au monde de ces enfants d’aujourd’hui, adultes de demain. »
« Mon
cheminement professionnel restera à jamais marqué par ces cinq années
en hôpital psychiatrique… La femme que je suis aussi, bien entendu. »
« En
matière d’autisme, je ne crois pas à la réponse unique d’autant
plus que, même si la recherche en ce domaine avance, une grande zone
d’ombre persiste encore. Personne n’est sûr de rien… Les enfants
autistes peuvent être très différents les uns des autres ; ils
s’inscrivent dans des problématiques personnelles, familiales, sociales
et culturelles toutes très différentes. Alors comment imaginer que
seules les institutions soient la réponse. Concernant l’Humain, l’évolution
ne peut se faire qu’à partir de réponses multiples et diverses. Aussi,
il me semble très important que l’École puisse reprendre une place
centrale dans la scolarisation d’enfants autistes, lorsqu’il y a
demande et projet. »
« Ce
qui est important, c’est ce que j’ai appris à leur contact, l’expérience
que j’en ai tiré… Tant mieux si elle sert à quelqu’un et surtout
aux enfants autistes. Alors mon but aura été atteint. »
« Comment
voulez-vous que je lui apprenne, il ne m’aime pas. »
SOCRATE
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